Si la loi de Murphy nous indique que « Tout ce qui est susceptible d’aller mal, ira mal », elle ne nous informe pas du jour, de l’heure, de la minute où la catastrophe surviendra. L’incertitude est grande. Cela est vrai pour l’éclatement d’une bulle spéculative ou en ce qui nous concerne actuellement, une pandémie. Nous pouvons les prévoir mais ne savons pas lorsqu’elles arriveront.
Quand l’incertitude repose sur un événement singulier tel qu’un « Cygne noir » que nous détaillerons, cette incertitude devient majeure. L’économiste John Maynard Keynes parle alors d’incertitude radicale et la définit comme une situation où « tout simplement, nous ne savons pas ».
Une fois ce constat fait, qui nous rappelle Socrate « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien », cela ne nous empêche pas d’agir, au contraire, cela nous incite à nous organiser pour mieux nous adapter à l’après-crise.
Sur le modèle du cycle de vie des produits, une crise se compose de quatre phases :
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Pré-crise : La vie est un long fleuve tranquille
Les lignes sont claires et définies, les mouvements et comportements des acteurs (entreprises, consommateurs…) s’inscrivent sur le long terme. Les stratégies et incertitudes sont définies sur la base de données et événements passés. L’économiste américain Frank Knight indique que face à d’éventuelles incertitudes lors de cette phase, il est souvent possible de se couvrir, par exemple au moyen d’un contrat d’assurance.
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Une crise ou un « Cygne noir » ?
Le statisticien franco-américano-libanais Nassim Nicholas Taleb a défini en 2007 le « Cygne noir » comme un événement dont la survenue n’a pas été prévue et qui génère un impact important sur le cours de l’histoire. Le 11 Septembre est un exemple de Cygne Noir. Le Covid-19 en est un autre.
Lors d’une crise de l’ampleur de celle d’un « Cygne noir », les entreprises doivent instantanément s’adapter aux comportements parfois inverses à ceux adoptés les jours précédents. C’est une question de survie car suivant une loi de Darwin accélérée, les entreprises qui ne s’adaptent pas ou qui ne sont pas suffisamment subventionnées/financées disparaissent générant un cercle vicieux : chômage, baisse de la consommation, faillite d’entreprises. Par exemple, Repetto a mis en ligne sur son compte Instagram des leçons de Fit Ballet afin de conserver un lien avec les internautes
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L’onde de choc et l’après crise
Peu après la crise, la psychologie économique entre alors en jeu. Cette phase va se traduire par des comportements inhabituels exacerbés par le souhait de revenir à l’ancien normal afin de se rassurer et passer outre le traumatisme vécu. Les consommateurs étant des êtres non rationnels comme l’a démontré Herbert Simon, Prix Nobel 1978, la consommation va reprendre car elle fait office de refuge (du moins pour les catégories ayant conservé un pouvoir d’achat suffisant). Le luxe en est un exemple. Ainsi, Hermès a enregistré 2,7 millions de dollars de ventes dans son magasin situé à Guangzhou le jour de sa réouverture samedi 11 avril.
Aux USA, la banque Goldman Sachs a publié ses prévisions de croissance trimestrielle en 2020 : -9% au Q1, une chute historique de -34% au Q2 avant un rebond tout autant historique de +19% au Q3.
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Nouveaux comportements et nouvelles opportunités
Nicholas Bloom, professeur à Stanford a indiqué dans un article publié en 2014 que l’incertitude est dommageable « pour les investissements à court terme et pour l’emploi » mais qu’elle peut « stimuler l’innovation à plus long terme ». De même, le fonds américain de capital-risque Sequoia a, dans une lettre du 5 mars, indiqué que de nombreuses entreprises performantes aujourd’hui étaient apparues lors de crises : Google (bulle Internet), Airbnb (crise financière).
Outre les entreprises, les comportements des consommateurs vont également évoluer. Attention néanmoins à l’attentisme de ces derniers. Dans un ouvrage publié en 2004, les professeurs d’économie Nathalie Moureau et Dorothée Ribaud-Danset ont expliqué que face à l’incertitude, les individus optent souvent pour l’imitation – ils adoptent la position d’autres qu’ils supposent mieux informés – ou pour l’attentisme – ils diffèrent leurs décisions dans l’attente de nouvelles informations. Il est donc important pour les marques de maintenir un lien avec les consommateurs afin de reprendre au plus vite les habitudes d’achat d’avant crise. Une éventuelle baisse de notoriété sera difficile voire impossible à rattraper lors de la décision de fin de détention.
« Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien » (mais je dois m’organiser)
Pour remédier à cette incertitude et favoriser la reprise, nous vous proposons un cadre en quatre étapes : Les 4 A.
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Analysez
Identifier les signaux faibles relatifs à l’évolution des comportements des consommateurs que cela soit pendant la crise ou après. Vous pouvez pour cela utiliser :
- Vos données (1st Party data) telles que vos Analytics, Insights, CRM, Business Intelligence (BI) ou,
- Des données tierces (3rd Party Data) telles que celles provenant d’outils de Social Listening, Google Trends…
Vous pouvez de même analyser les évolutions comportementales au sein des régions où le confinement a pris fin (Wuhan a décrété la fin le 8 avril 2020).
Mettez en place une veille concurrentielle afin de surveiller le comportement et positionnement de vos concurrents historiques et surtout identifier l’émergence de nouveaux acteurs pouvant être plus agiles car, ayant été créées après la crise, ils n’auront pas à se transformer.
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Adaptez
Faites évoluer vos offres et services afin de les rendre plus digitaux compatibles. Les consommateurs vont adopter des comportements davantage digitalisés car les freins à l’utilisation de services digitaux auront été levés lors du confinement. Adaptez vos chaînes d’approvisionnement ou accélérer la complémentarité online/offline en utilisant vos points de vente comme un hub de distribution. Carrefour ou Amazon ont déjà fait le choix de cette complémentarité en transformant/développant des lieux physiques en lieux de retrait.
Adaptez votre discours aux nouvelles attentes et sollicitations des internautes que vous aurez identifiés lors de la première phase. Les mentalités vers un capitalisme plus juste et plus local peuvent rapidement émerger. Surveillez ces nouvelles tendances.
Faites monter en puissance vos équipes internes afin qu’elles puissent devenir autonomes dans l’utilisation d’outils digitaux. Ceci permettra à votre entreprise de s’adapter encore plus facilement et rapidement aux évolutions futures et vous fournira un avantage compétitif.
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Annoncez
Informer les internautes de vos actualités et nouveaux services/offres afin de stimuler la demande.
Le fait de communiquer auprès de vos cibles historiques et de nouvelles audiences vous permettra d’une part de relancer votre attractivité et d’autre part, d’optimiser les effets d’imitation positive. Pour cela, utilisez :
- Le « Owned Media » : sites Internet, e-commerce et/ou institutionnel… les leviers que vous contrôlez ;
- Le « Paid & Earned Media » : N’omettez également pas d’informer les internautes grâce aux différents services tiers tels que Google My Business ou encore Facebook / Instagram et campagnes display.
Soyez prêts à déployer ces campagnes dès l’annonce de la fin du confinement. En effet, les marques qui ne seront pas prêtes seront perdues dans le bouillonnement d’information post-confinement.
En termes de contenu et afin de favoriser l’effet d’imitation, privilégiez les témoignages mettant en avant les valeurs liées aux signaux faibles émergents.
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Animez
(Ré)engagez vos audiences et communautés. La crise étant derrière nous, les consommateurs seront prêts à retrouver une communication « normale » mais reposant sur des facteurs propres à un nouveau normal. Grâce à la communication que vous aurez menée lors de la crise et du maintien du lien avec vos communautés, vous pourrez réenclencher plus rapidement l’engagement des internautes vis-à-vis de votre marque.
Il sera néanmoins important de les rassurer car le confinement aura été pour certains une véritable épreuve qu’il faudra encore dépasser d’un point de vue émotionnel. Les réseaux sociaux et la communication communautaire locale seront d’une grande aide pour cela.
La période que nous vivons actuellement nous pousse à remettre en question nos habitudes et nous devons rester humbles face à l’avenir car les prochains mois restent imprévisibles. Néanmoins, la méthode que nous proposons permettra d’articuler vos démarches en termes de communication digitale pour qu’elle puisse correspondre aux nouvelles attentes et nouveaux comportements.